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ATELIER D'ECRITURE

Portraits d'Anciens élèves

du lycée Chaptal de Paris

 

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Anthony Valentini

par

Héloïse Prest

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Visite du musée Anthony Valentini 

 

            « Bonjour à tous, merci de vous être déplacés malgré ce temps capricieux. Mauvaise nouvelle : notre conférencier est retenu dans le RER B à cause d’une tentative de suicide — eh oui, la vie n’est pas toujours rose bonbon— alors, il ne pourra assurer la visite guidée cet après-midi. Voilà que je vous laisse, cher public, déambuler aux côtés des spectres du passé, parmi les souvenirs de notre cher président, Anthony Valentini ! »

            Ainsi débute ma visite dans ce musée étrange, refuge des âmes oubliées, empreint d’une atmosphère presque mystique. J’entre dans une étroite pièce obscure, un long couloir aux murs noirs, ponctué de tâches de lumière emplissant les vitrines-cloches dans lesquelles se trouvent des bibelots. Chacun incarne un souvenir, une anecdote qui constitue la personne d’Anthony. Ils sont disposés de telle sorte qu’ils dessinent un chemin, invitant le visiteur à le suivre. Ce sont des objets sans importance, presque banals, mais qui représentent beaucoup pour leur propriétaire.

 

Je m’approche de la première vitrine, à gauche. C’est un stylo correcteur. Il est majestueusement illuminé par un projecteur. Sur le socle en métal noir laqué se trouve le cartel, expliquant l’histoire de l’objet.

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Tipp-ex, 2001.

Anthony Valentini a utilisé ce tip-ex pendant une épreuve de géographie durant son année d’hypokhâgne au lycée Chaptal. Accablé par l’ennui, un ami d’Anthony lui avait volé son tipp-ex pour écrire sur sa table des tags insultant leur professeure. Ne s’arrêtant pas là, son ami avait brandi le tipp-ex en direction de ses camarades, concentrés sur leurs devoirs. Il l’avait agité, secoué de sorte à créer un bruit évoquant celui d’une mitraillette, en faisant semblant de tuer tout le monde. Amusé par le décalage entre cette scène et la situation, Anthony avait ri et ils s’étaient fait réprimander, comme des enfants, par leur professeure. Pourtant, Anthony n’était pas un élève turbulent. En réalité il dit avoir « toujours rêvé être un bad-boy » mais rester condamné à « n’être que le gendre idéal ».

Plusieurs années après, Anthony Valentini retrouva sa professeure lors d’un forum des anciens élèves du lycée Chaptal. Devant sa réussite professionnelle, à la fin de la présentation, elle le gratifia d’un « Quand je vois ce que vous êtes devenu, je n’aurais pas misé sur vous ». Remarque blessante, regard biaisé, incapacité de juger. Ineffaçable en dépit du tipp-ex.

 

Je continue ma visite, me dirigeant à droite, vers ce qui semble être une feuille. Il s’agit en fait d’une copie d’Anthony. Une dissertation de lettres sur Balzac, corrigée en rouge. Revoir des copies me fait toujours un drôle d’effet, entre nostalgie et répulsion. On peut lire sur le cartel :

 

Dissertation, 2002

Cette dissertation est particulière pour Anthony Valentini car il s’agit de sa meilleure note de lettres, un 15. Pourtant, il l’a écrite dans l’avion, durant son retour de vacances, de Singapour à Paris. Un vol de 12h qui lui a permis de rendre son devoir dans les temps exigés. Sa professeure de lettres ne pouvait pas s’en douter. La tête dans les nuages, Balzac l’a visiblement inspiré, mais aujourd’hui, l’auteur est trop loin dans sa mémoire, il ne pourrait en parler davantage. 

 

Comme quoi, on peut produire un devoir de qualité, même dans un environnement incongru, c’est noté.

 

L’exposition se poursuit avec un autre objet à gauche, vraiment banal et ordinaire, une valise. Étonnant, une valise dans un musée… C’est tellement peu personnel…

 

 

Valise 2000-2020

Cette valise est une de celles qu’Anthony Valentini a promenées avec lui lors de ses voyages. Il est un grand baroudeur, de Singapour à la Bosnie, du Portugal à la Vendée.

Anthony a grandi à Singapour. Il en a tiré des leçons : quand on vit à l’étranger, les soucis ne sont pas les mêmes que dans son pays d’origine. Il est presque plus facile d’y vivre car on ne se sent pas concerné par les troubles, on ne peut s’engager dans une situation qui, pour soi, n’est pas durable. C’est certes artificiel mais plaisant.

Mais Anthony Valentini aime aussi la France et ses valeurs. Il est très patriote et s’intéresse à la vie publique, et particulièrement à celle des petites communes françaises. Pourtant, il est exaspéré par leurs politiques, leurs convictions, leur logique étroite d’intérêt particulier. Paradoxalement, il a foi en elles. Tellement qu’il est devenu le directeur général de la chambre du commerce et de l’industrie de Nantes et de Saint-Nazaire. 

 

Chouette Singapour, ça me plairait bien d’y aller. 

 

Maintenant, je vois à droite sous une autre vitrine, trois bracelets de montre : un bleu, un blanc et un rouge. C’est sûrement le côté patriote d’Anthony justement.

 

 

Bracelets de montre, entre 2009 et 2020

Anthony Valentini aime les montres. C’est le seul accessoire qu’il porte, le seul détail fantaisiste qu’il s’accorde. On peut remarquer qu’ici, Anthony Valentini se laisse le choix de la couleur, mais en restant avant tout un grand patriote. Fidèle à lui-même, il s’amuse à accorder son bracelet de montre avec sa tenue, pour incarner jusqu’au bout son drapeau : un pantalon bleu, une chemise blanche et une montre rouge. Son goût du détail et son perfectionnisme. 

 

Mais, au loin, à la fin de l’exposition, quelque chose attire mon regard. Je passe rapidement devant la pochette du titre Porcelaine de Moby, de l’Odeur de l’essence d’Orelsan, un exemplaire d’un Picsou… Je vois une tache rouge très lumineuse. Le projecteur vient surement d’être rallumé puisque je n’avais pas remarqué ce point flamboyant. Ce sont en fait des poings, des gants de boxe flottant dans leur vitrine-cloche. Le cartel justifie leur présence :

 

Gants de boxe, 2019

 Ces gants de boxe ont tout à fait leur place dans cette exposition. Car Anthony Valentini est un amoureux du sport. Il aime la natation, le rugby et plus récemment la boxe. Il aime l’effort, le dépassement de soi, gagner. C’est une sorte de drogue pour quelqu’un de calme comme lui, qui a besoin de se défouler. Pour lui, la boxe nécessite un engagement inconditionnel, aussi bien physique qu’intellectuel, stratégique. Anthony Valentini a également le goût pour la compétition. Tant et si bien qu’il y a longtemps, lors d’une course, lorsqu’il a compris qu’il ne gagnerait pas, il s’est arrêté dès la ligne de départ. Il a le sens de l’effort mais il pèse les choses : au bout de la trajectoire, la victoire doit être possible.

 

Sa persévérance, son esprit de compétition… tout ça doit venir de ses études en classe prépa. Ou bien c’est grâce à son caractère qu’il a réussi à achever ses deux années intenses. Mais voici que surgit une dernière vitrine apparemment vide.

 

 

Ulysse et Bambou

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 J’appuie, intriguée. Surgissent deux hologrammes de chat. Deux chats noirs jouent ensemble, se donnent des coups de griffe, échangent des miaulements apparemment significatifs avant de disparaître dans la nuit du musée obscur.

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