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ATELIER D'ECRITURE

Portraits d'Anciens élèves

du lycée Chaptal de Paris

 

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Anthony Valentini

par

Garance Dogon

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A-Salut Seb ! Tu vas bien ?

 

S-Pas mal, pas mal. Et toi tout roule ?

 

A-Très bien merci. Devine qui vient de m’appeler ? Non, en fait tu ne peux juste pas savoir. Tu n’as aucun contexte. C’était Madame Mimouni.

 

S-Madame Mimouni de la prépa ? Enfin … notre prof de lettres à Chaptal ?

 

A-Absolument ! Elle m’avait écrit il y a un moment pour m’expliquer qu’elle avait un club d’écriture, tu sais, avec les actuels hypokhâgneux, et que le projet de cette année était de faire des portraits d’anciens préparationnaires. Donc elle me demandait si j’étais intéressé par le projet et si j’étais d’accord pour être l’objet d’un des entretiens.

 

S-Ah c’est top comme proposition !

 

A-Oui mais en même temps ça doit être tellement étrange de revenir à Chaptal 17 ans après. Et puis quelle angoisse, tu imagines ? S’exposer sciemment au jugement de toute une classe comme ça ? Et pouvoir lire ensuite l’image qu’ils ont reçu de toi ? Ça m'effraie presque un peu. Enfin cela dit, ça fait déjà un moment que j’essaye de me détacher du regard de l’autre. ça pourrait être un plutôt bon exercice.

 

S-Mais oui absolument, il faut que tu le fasses et que tu lises leurs écrits ensuite, en gardant un maximum de distance. Mais ça fait des lustres que l’on ne s’est pas appelé. Ça va toujours ton boulot ? Tu aimes toujours autant ce que tu fais ?

 

A-J’aime toujours autant. De toutes manières c’est en rapport direct avec la politique, enfin la chose publique, et ça m’a toujours énormément intéressé. A priori ça me plaira pendant longtemps. Et, accessoirement, je suis au service de la France et j’en suis ravi.

 

S-C’est vrai que tu es plutôt chauvin ! Et l'ambiance dans les bureaux est bonne ? Enfin meilleure qu’avant ? Je crois me souvenir qu’il y a un moment tu me disais que les relations entre employés n'étaient pas excellentes.

 

A-Tout à fait ! D’ailleurs, je t’appelle d’un tout nouveau Samsung ! J’ai enfin réussi à modifier ce système inégalitaire qui régissait l’attribution des téléphones de fonction. Tu te souviens ? Je t’avais expliqué qu’en fonction de la position hiérarchique de chaque employé on avait un iPhone, un samsung ou un Wiko. Et maintenant, tous mes collaborateurs et moi-même avons le même téléphone ! Je ne sais pas si les relations dans l’entreprise sont devenues parfaites mais elles tendent à l’amélioration.

 

S-C’est super que tu aies réussi à mener ton projet à bien.

 

A-Et à une échelle moindre j’ai aussi fait faire des montres pour tout le monde. Ce sont les montres de l’institution. Il y en a de trois couleurs, sans surprise, il y en a de bleues, de blanches et de rouges !

 

S-C’est étonnant de faire des montres comme espèces de goodies pour tes collaborateurs. D’habitude les entreprises font plutôt des t-shirts ou des gourdes.

 

A-Oui mais, d’une part, nous ne sommes pas une simple boîte mais bel et bien une institution de la République, et d’autre part, j’aime vraiment les montres, au delà du rapport au temps et de ce qu'elles représentent je trouve que c’est la seule manière pour un homme d’accessoiriser un peu sa tenue et son apparence. Tu ne trouves pas toi ? Que les hommes n’ont pratiquement aucun accessoire ?

 

S-Et bien, il y a les ceintures et de petites choses de ce genre non ?

 

A-Oui mais c’est quand même maigre comme touche personnelle. Je trouve que très peu d’options s’offrent à nous.

 

S-Mais surtout tu sais, ça tient peut être à ton caractère un peu “gendre idéal”. Je ne dis pas du tout ça pour te blesser, toi-même tu emploies le terme. Mais aujourd'hui certains hommes portent des bijoux et ce genre de choses, justement pour avoir plus de choix. Non pas que mettre des bracelets en tant qu’homme soit la rébellion absolue mais peut être que justement ça pourrait être une alternative.

 

A-Effectivement … en plus, Orelsan a des bracelets.

 

S-Encore Orelsan ! Mais ça frôle l'obsession mon vieux !

 

A-Mais oui. Il est tellement mature. Même jeune, tu te rends compte nous, de combien on était immatures et puérils quand on était en prépa ? Par exemple, le jour du DST de géo avec Madame A, tu te souviens ? … Mais si ! Maxime et moi faisions des jeux débiles au lieu de composer et au bout d’un moment, la prof s’était levée, avait traversé la salle et nous avait incendiés ! Je me suis senti tellement petit et stupide à ce moment-là… D’ailleurs je crois que c’était à l’occasion de concours blanc puisqu’on était dans la salle Prosper Goubaux. C’est peut-être là qu’aura lieu l'entretien d’ailleurs. Ohlala mais que c’était bête. Et en même temps, je détestais cette prof. Je la déteste toujours aujourd’hui cela dit. Je t’ai déjà dit qu’un jour, je l’avais recroisée, je ne sais même plus vraiment dans quel contexte, et qu’elle m’avait dit un truc du style; “Eh bien, vous ayant eu en tant qu’élève je n’aurais jamais cru que vous réussiriez autant !”. Mais quelle violence ! Comment est-ce qu'elle a pu me dire un truc pareil ? Comment les profs pouvaient-ils nous juger autant ? Deux années de prépa entre 18 et 19 ans sont si peu représentatives de quoi que ce soit !

 

S-En même temps tu prends ça très à coeur, tu sais, tu as toujours eu un vrai problème avec les études et ce genre de choses.

 

A-Mais pas du tout. Qu’est ce qui te fait dire un truc pareil ?

 

S-Anthony, tu fais de manière récurrente un rêve dans lequel tu repasses le bac que tu rates. Si ça ne frôle pas la pathologie, …

 

A-Certes. Mais toi au contraire, tu es vraiment distant par rapport aux études. Tu ne veux jamais parler de nos années à Chaptal. Tu n’es pas nostalgique de cette époque ?

 

S-Pas plus que ça. Enfin, c’est bon, j’en ai fait le tour. D’autant plus que j’y étais, je n’ai aucunement besoin que l’on me raconte comment c'était si je l'ai vécu.

 

A-Pourtant elles représentent une chouette période de ta vie, toi qui as rencontré ta femme en prépa !

 

S-Je sais, je sais mais je ne ressens jamais le besoin de revenir éternellement sur mes études.

 

A-Je sais. Nous avions déjà eu cette discussion mais j’avais écarté le sujet parce que ça commençait légèrement à sonner comme une dispute. Mais effectivement, nous avons juste deux manières de voir les choses.

 

S-Voila. Tout simplement. Et toi qui es toujours en vadrouille tu es parti récemment ?

 

A-Oui, cet été je suis parti à Dubrovnik mais je crois que je te l’avais déjà dit. Sinon, il y a peu de temps je suis retourné voir mes parents à Singapour. Mais d’ailleurs c’est drôle parce que, Madame Mimouni ne m’avait pas encore appelé et pourtant, dans l’avion je me suis souvenu du devoir que j’avais rédigé sur mon vol au retour de vacances chez mes parents. Je pourrais le lui dire en la revoyant. Il y a prescription maintenant. D’autant plus que si je me souviens bien, c’est ce devoir qui m’avait valu ma meilleure note de l’année.

 

S-Oui, en même temps ça ne veut pas dire grand chose, tu n’as jamais été particulièrement studieux et volontaire en prépa. Je n’aime pas penser au passé mais je me souviens bien de ça !

 

A-Je sais bien. Mais en même temps je savais que je ne serai pas le meilleur dès le début alors, je n’ai pas tout à fait abandonné mais je ne me suis pas spécialement donné de mal. Je n’ai pas de problème avec la compétition mais je ne vois pas l'intérêt de concourir en sachant pertinemment que l’on va perdre. Je crois que j’ai toujours été comme ça. Quand je vivais à Singapour, donc je devais avoir entre 16 et 17 ans, je m’étais inscrit à une course et en voyant mon adversaire et en comprenant que je ne gagnerai pas, j’ai simplement renoncé. Ma mère m’en a énormément voulu.

 

S-Mais c'est normal qu’elle t’en ait voulu. Enfin bon. Ah, en parlant de sport, tu as vu qu’un film sur le club de rugby de Toulouse allait sortir le 13 avril ?

 

A-Ah non je n’avais pas vu. J’irai le voir bien sûr mais cela dit, en ce moment, je crois que contre toute attente; je me mets à préférer la boxe au rugby.

 

S-Incroyable. Après tant d'années à rester fidèle au rugby tu changes finalement d’avis ?

 

A-Oui, c'est étonnant. Je ne me suis mis à la boxe que par dépit puisque j’ai été obligé de faire une césure à cause de mon genou tu te souviens ? Et finalement j’adore !

 

S-Mais le côté collectif ne va pas te manquer ? Pour ma part, je pense que cette dimension joue un grand rôle dans mon amour pour ce sport. D’autant plus que, sans le rugby, nous ne serions sûrement pas devenus aussi proches par exemple. Je pense que jouer ensemble nous a rapprochés. Tu ne penses pas que tous les trajets de bus l’un à côté de l’autre pour aller aux tournois ou encore les soirées à regarder les matchs y sont pour quelque chose ? Tu te souviens par exemple de la finale de la coupe du monde en 2011 ? Que d’émotions ! Malgré l’échec de la France -auquel nous nous attendions tous, face aux All Blacks, entre nous soit dit- ce fut un match incroyable et le regarder ensemble a été formidable.

 

A-Oui je sais, ça me manquera peut-être au bout d’un moment. On verra bien. Mais outre les souvenirs de mêlée et de cohésion d’équipe, je pourrai toujours regarder des matchs de boxe avec d’autres personnes. ça n’est pas exclusivement réservé aux sports d’équipe.

Quoi qu’il en soit, je trouve étonnant de t'entendre évoquer le passé. Tu vois, c’est agréable parfois.

 

S-Certes. Mais à petite dose. Et puis, c’était pour te raisonner. Et tes enfants alors, tu leur as fait tester le rugby ou la boxe ? Ça ne sont peut être pas les sports les plus adaptés aux enfants si ?

 

A-Peut être pas mais la question ne se pose même pas réellement puisqu’aucun de mes enfants n’est très sportif. Mais je le vis bien ! Ne crois pas que j’aimerais faire des universels de tout ce qui me plaît ou de tout ce qui me tient à cœur. J’ai des centres d’intérêts qui ne seront peut être pas les leurs et ce n’est pas grave. Nous partagerons d’autres choses et il ne faut pas systématiquement généraliser ce que l’on aime et ce que l’on pense. Quoi qu’il en soit, ils ne sont pas comme ça et c’est tout.

 

S-Effectivement. De toutes manières le sport n’est pas ton unique centre d’intérêt. Peut-être que tu auras l’amour de la lecture en commun avec l’un d’eux.

 

A-Quand bien même ce ne serait pas le cas, ce ne serait pas si grave. J’aimerais surtout être présent pour eux. Bon Seb, je suis navré, tu ne m’as pas énormément parlé de toi. Je dois absolument aller chercher mes enfants à l’école. Je suis déjà excessivement en retard. Je te rappellerai dans la semaine ça marche ?

 

S-Parfait. j’étais ravi d’avoir de tes nouvelles et je pense que vraiment, cet entretien serait une super occasion pour toi de te confronter au jugement d’autrui, de revenir à Chaptal, toi qui es si nostalgique et ce sera super. N’hésite surtout pas, vas-y.

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