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DISPOSITIFS

Le commun des mortels

 

 

Carte 14

 

La cage d’escalier est claire, lumineuse, les murs parfaitement blancs réfléchissent la lumière. Les marches sont faciles à monter. On dirait qu’elles ont été pensées pour le corps, calculées sur une mesure idéale choisie par un architecte éclairé. Aucune douleur dans les muscles des cuisses. Pas d’essoufflement. Le coeur bat régulièrement au rythme de chaque échelon gravi. Très loin là-haut, le soleil darde ses rayons derrière une verrière. La température est régulée par des courants d’air frais qui s’engouffrent et circulent dans le tuyau étroit. On ne voit pas les fenêtres, l’oeil ne se disperse pas. L’air sent la terre humide que l’on vient d’arroser, le gazon fraîchement coupé. Les poumons gonflés, ivres d’oxygène, la tête haute, le corps est libre de ses mouvements qu’il ne mesure pas. Il s’assure d’une ascension indubitable. Rien ne traverse sa route verticalement rectiligne, sans palier. Une montée qui se fait d’une seule traite. Vers la lumière et le ciel. Une sorte de poussée de soi vers le haut, un élan qui donne toute satisfaction, une envolée, une élévation. Le corps se fait ascenseur. Il n’y a pas de transition. Il y a tout à coup le sentiment de la chute, le vertige intérieur qui descend le coeur dans le bas ventre qui l’étreint. Le noeud de l’estomac, la révulsion de soi, interminable, irréductible. Le corps bascule inlassablement, glisse irrémédiablement. Rien ne semble devoir l’arrêter. Il n’y a pas de sol, il n’y a pas de terre pour s’écraser. Pas la peur de se fracasser. Le cauchemar est celui de la chute pure, simple et continue. Le cauchemar est dans l’inversion des signes : aspiration vers le haut, aspiration vers le bas, définitive.

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