DISPOSITIFS
Le commun des mortels
Carte 21
Finie la bandaison du matin, celle qui fait jaillir le sexe tout droit si bien qu’il faut le tenir de toutes ses forces pour ne pas pisser vers le ciel. Finie la bandaison du soir qui vous tend vers leur corps alangui. Fermée la tour Eiffel, rasée, désamiantée, désactivée, dégommée, déblayée, interdite au public, définitivement terminata, chiusa. J’aurais beau regarder leurs seins bombés dans leurs soutien-gorge pigeonnant, avec une veine bleue qui descend tout droit pour indiquer la direction, j’aurais beau suivre sur la courbe de leur dos finissant le mouvement d’un balancier qui chaloupe, d’un serpent qui danse, et ne pas détacher mes yeux, les laisser flotter sur leur croupe, j’aurais beau les suivre, les frôler, les coller, elles ne sentiront rien. Aucune indécence, pas d’attentat à la pudeur : je resterai mou, je pends. Phallus en berne. Et on me demande d’être un homme. De croire que je suis un homme. On me coupe les glandes accessoires qu’ils disent, et moi j’entends, on vous coupe le gland et vous êtes vivant. On vous laisse les glandes et vous êtes mort. Je vais ressembler à ces fleurs flasques sans queue ni tête qui retombent même quand on les arrose, celles qui n’ont jamais réussi à se dresser. J’aurai des érections dans la tête au moindre soupçon de la trace d’un élément carbone femelle et dans mon pantalon du coton ouaté pour faire semblant. Et ils me disent calmement que certes je serai flageolant mais vivant, vivant, vivant et impénétrant. Plus jamais je ne sentirai l’odeur âcre qu’elles camouflent sous les parfums capiteux. Plus jamais, je ne verrai ni leurs yeux renversés sous leurs paupières ni leur corps retourné comme un gant sur mon sexe dressé vers le ciel. Plus rien pour gratter le ciel. Plus de ciel, ni le premier, ni le septième. Que de la terre, de l’humus, de la boue, de l’herbe fauchée. Dieu veut me rendre au sous-sol.
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