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DISPOSITIFS

Le commun des mortels

 

 

Carte 8

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On l’a rappelée de la cabine. Il faut refaire un cliché. Elle est encore à moitié nue, frissonnante du contact froid et métallique de l’appareil dans lequel on a écrasé ses seins, pour en faire des sortes de crêpes épaisses et douloureuses, grumeleuses.

Elle enlève de nouveau sa montre, la repose délicatement dans la poche de son sac. Sa peau se tache de microscopiques points rouges très légèrement protubérants, ses poils se dressent. Elle a la chair de poule. Elle attend dans la salle sans fenêtre, éclairée de lumières artificielles et franches. Il n’y a aucun bruit si ce n’est le ronron discret et régulier des appareils électriques. Elle est seule. Elle ne se regarde pas. Surtout pas : elle ne se reconnaîtrait pas.

Elle attend. Longtemps. Longtemps.

Ce n’est pas bon signe. Pourtant elle est tranquille, sereine, à son grand étonnement. Aucune angoisse ne l’a étreinte. Au contraire, elle se sent une force incroyable, une puissance de résistance invincible, la rage de vivre qu’elle n’avait pas prévue. Se battre et refuser le destin, l’ordre des choses, la nature. Elle entame immédiatement le combat qu’elle gagnera. Sa volonté est d’acier. Comme son devoir. Aller jusqu’au bout. Poursuivre la tâche qu’elle s’est donné au moment où elle les a mis au monde.

Elle les a nourris, lavés, soignés. Elle s’est levée la nuit pour faire baisser leur température, pour apaiser leurs cauchemars. De son lit, l’oreille tendue, filtrant tous les autres bruits, elle a guetté leur moindre hoquet. Elle n’a pas fini de les élever, elle ne mourra pas.

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