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DISPOSITIFS

Le commun des mortels

 

 

Carte 17

 

L’œil aurait désiré glisser d’un mur à l’autre entre des objets effacés par une lumière crue, il aurait poursuivi son lent et régulier travelling avant, sans souci des obstacles qui n’existeraient même peut-être pas. Il y aurait eu des parois lisses, polies à l’enduit blanc, préparées pour de la peinture laquée. L’oeil aurait alors roulé aux marges d’angles imaginaires qui n’auraient pas pu se replier dans des commissures d’ombre. Il aurait parcouru les arêtes depuis le plafond jusqu’aux plinthes de plastique uni. Il y aurait eu un sol de béton gris soigneusement coffré, ciré de manière à ce qu’aucune empreinte ne pût marquer sa trace. Un sol qui fût allée. L’œil aurait ensuite circulé sans encombre le long d’un couloir ample, distribuant par intervalles rigoureusement calculés des pièces vides, des chambres d’hôpital dépouillées de tout ce qui peut blesser, aveuglées de soleil électrique, dans lesquelles on aurait pu deviner la présence fantomatique  d’un homme en blouse blanche, de ci de là, comme on voit sur une photo surexposée, avec un temps de pose excessif, une ombre pâle et filandreuse, aux contours indistincts, délitée par le mouvement que l’on a mis trop longtemps à figer. L’œil aurait tranquillement mené sa ronde de bas en haut, de gauche à droite, d’un espace l’autre, fort de sa capacité d’effacer tout ce qui aurait pu le contrarier : les objets récalcitrants qui se dressent sur le passage, transforment les corridors en défilés, provoquent des chutes, des arrêts impitoyables sur ce qu’ils sont, sur ce qu’ils signent, ce qu’ils rappellent irrespectueusement du silence qui devrait régner.

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