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DISPOSITIFS

Le commun des mortels

 

 

Carte 18

 

Une jeune fille, gracile. La taille fine. Un corps qui n’a pas fini de s’épanouir. Des mains soignées, les ongles faits « à l’américaine », une sorte de seconde lunule blanche et artificielle relève la première. Des mains lisses et sans nervosité, des mains fines, de taille modeste. Elle se met un Tshirt blanc et se présente devant le miroir, se retourne, vérifie sa chute de reins, qui ne pêche pas encore, mais qui c’est sûr, un jour pêchera. C’est son point faible, il se devine sous le jean étroit. Les fesses sont légèrement trop prononcées, à peine un début de culotte de cheval, rien de visible si l’on n’a pas le sens des proportions. Elle se met une veste blanche à dessins bleu pâle qui ondulent comme une eau peu profonde. Elle se présente devant le miroir, se retourne, vérifie sa chute de reins qui pêche toujours, mais elle est visiblement satisfaite. Pourtant la veste est courte. Est-elle contente d’elle-même ou de la rectification qu’elle vient d’opérer ? Il n’y a pas comique de répétition. Elle agit normalement comme tous les jours sans doute. Elle se met un bracelet, se présente devant le miroir. Et encore une fois pour le collier. Des bijoux ternes, bleu pâle qui ne soulignent rien, qui ne se voient pas. Bizarrement, elle ne regarde ni son visage, ni ses cheveux qui pendent, mi courts, mi longs, par compromis. Sa peau très blanche que n’éveillent pas les yeux marrons assez effilés mais simplement absents absorbe la lumière sans la renvoyer. Un petit nez, un menton qui se retire vers le cou, mi court, mi long.   

A quoi pense-t-elle ? Apparemment elle est toute entière dans la question qu’elle pose à son miroir : miroir suis-je bien ? non pas miroir suis-je la plus belle ? miroir suis-je belle ? non, son ambition ne va pas jusque là. Il y a quelque chose qui tourne court en elle. Sa bouche parle de vêtements, de parures fades conformes à sa nature dont la pâleur est, semble-t-il, l’essence. L’horizon est sans point de fuite, il se fragmente en différents miroirs où se reflète son image, qu’elle reconnaît quel que soit l’angle d’où elle est prise. Elle s’inquiète calmement de son corps qu’elle ne maîtrise pas, envisage des réformes de peu d’envergure. Il ne s’agit pas de se remodeler, de s’inventer d’autres formes, il ne s’agit pas de recourir à la chirurgie esthétique ; elle se contente d’elle même sans pour autant reconnaître en son corps les canons d’une beauté diffractée dans les images lisses des magazines auxquels elle se réfère. Sa différence ne va pas jusqu’au malaise, elle la constate, la déplore, tente des parades qui restent vagues. Très loin en elle quelque chose qui n’est pas sa bouche dit que là n’est pas l’essentiel, mais ne propose rien en échange. Alors elle se regarde, corrige la position de la boucle de sa ceinture et attend.

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