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Mémoires émoussées

 

 

On a voulu se souvenir.

Place de La Bonne Bière, le 5 novembre 2016.

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« Miroir, mon monstrueux miroir… »

 

 

 

Acte I, Scène I

« … dis-moi qui est le plus dingue. »

 

Personnages :

 

Antonella 1

Antonella 2

Le serveur

 

 

 

DECOR

 

Une place dans Paris. Au milieu de celle-ci, se trouve un café où il est inscrit sur la devanture : « A LA BONNE BIERE. » Devant lui, une dizaine de chaises alignées, toutes tournées vers le public. Légèrement à droite et en face de celui-ci,  on peut observer deux bambous et une boîte aux lettres jaune taguée qui semblent abandonnés. Une route sépare ce café d’un supermarché qui affiche en grosses lettres orange criardes « Franprix ». Devant ce magasin, des fleurs sont disposées et quelques pétales s’étalent sur le sol. A droite du café, une nouvelle route le sépare d’un kebab et d’un Mcdonald’s. Rien de plus banal. Début d’après-midi, ciel bleu, parfois plus sombre quand le soleil se glisse derrière les nuages, légère brise polluée.

La majorité des chaises sont prises, beaucoup d’agitation accompagnée d’un brouhaha. Sur une des chaises de la terrasse est déposé un grand miroir.

 

Antonella assise à la terrasse du café, en face du miroir. A chaque parole d’Antonella 2, le projecteur qui éclaire Antonella 1 s’atténue.

 

 

Antonella 1 :

Ah ! Une journée comme celle-là me donne envie de m’abandonner en sirotant un diabolo kiwi banane, regarder la foule qui s’agite sur le même rythme que les feuilles des arbres, et laisser les rayons du soleil me transpercer la peau.

 

Antonella 2 :

Il fait un peu frisquet quand même.

 

Antonella 1 :

C’est pour ça que j’attends que le soleil vienne me réchauffer ! Oh ! c’est pas vrai que tu vas recommencer à me noircir l’esprit ! Moi j’aime bien ce temps, j’aime bien cette lumière et cette façon qu’a le vent de faire danser les  feuilles.

 

Antonella 2 :

Il précipite leur chute oui…

 

Antonella 1 :

Mais c’est encore plus joli, elles se mettent à virevolter et à…

 

Un grand vent souffle un instant et interrompt Antonella 1. Une nuée de feuilles mortes s’échoue sur le sol.

 

Antonella 1 :

Ohhh ravissant !

 

 

Antonella 2, aussitôt qu’Antonella 1 a fini sa réplique :

Arrhg ça caille bordel ! Ils veulent pas allumer les grille-pains ces radins ? Un degré de plus et on nous laisse avec des stalactites au nez !

 

Antonella 1 :

Hahahahahah ! « Les grille-pains » ! Hahahaha ! T’as beau être aigrie tu me fais tout de même rire. « Des stalactites » ! Hahahaha !

 

Antonella 2 (pendant qu’Antonella 1 continue de rire) :

Oui bah c’est bon calme-toi y’a rien de…

 

Un serveur vient interrompre la conversation.

 

Le serveur : Bonjour, qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?

 

Antonella 1 : Un diabolo kiwi banane s’il-vous-plait !

 

Serveur : Un diabolo kiwi banane..! Tout de suite Madame.

 

Le serveur rentre dans le café.

 

Antonella 2 :

Bah sympa merci, et pendant ce temps je me déshydrate  ?

 

Antonella 1 :

Oh c’est bon… t’auras qu’à prendre le kiwi et moi la banane.

 

Antonella 2 soupire d’un air condescendant en regardant le public.

Une femme avec son enfant passe devant le café.

 

Antonella 1 :

Ohh ! Il est trop chouuuuuu, regarde-le ! Avec ses fleurs à peine cueillies qu’il agrippe des deux mains comme s’il avait peur de les perdre. (Elle se tait un instant et ralentit son débit de parole) T’as raison mon petit bout de chou, cramponne-toi à cette innocence tant que tu peux… Ne la lâche pas, sinon tu verras que les tiges seront très vite remplacées par… des épines.

 

Après un court silence :

 

Antonella 2 :

Ca  t’fait pas penser à un nain saoul, un enfant ?

 

Antonella 1 la regarde d’un air interrogateur.

 

Antonella 2 :

Mais si, regarde : ils contiennent aucune émotion, ça pleure et rit pour une bagatelle, ça s’écroule au moindre déséquilibre. Comme une personne… (elle fait le geste d’une personne portant une bouteille à sa bouche), mais en miniature quoi !

 

Antonella 1 :

Hahahahahahahahah, maintenant que tu le dis !

 

Antonella 2 :

T’aurais pas pu prendre un Bloody Mary à la place de ton sirop dégueulasse ? T’aurais pris la tomate et moi, la vodka.

 

Antonella 1 :

Hahahahahah ! Pour te retrouver comme une épave aux pieds de cette pauvre Grisette ? Hahahahaha ! (Après un court silence) Oh non, ohlalala, ne lui inflige pas ça, elle en a assez vu  comme ça, des choses horribles…

 

Antonella 2 :

C’est qu’une fichue statue putain.

 

Un verre se brise sur le sol. Son écho retentit. Le brouhaha s’arrête. Silence complet. Tout le monde sur scène s’immobilise pendant qu’un serveur accourt pour éponger la flaque.

 

Après un long moment :

 

Antonella 1 (fixant la flaque de vin qui s’écoule, elle réplique exaltée) :

 

C’est fascinant ! (sa voix s’abaisse) Le vin, d’abord s’agglutine en un cœur vif, (son rythme ralentit), et petit à petit, (accélère) après s’être enivré du vide aérien et des vapeurs d’alcools (elle s’arrête un instant puis reprend plus doucement), il roule sur le bitume et s’éparpille (elle s’arrête) jusqu’à (elle s’arrête) former un réseau de veines qui ne palpitent presque plus… Et les morceaux de verre gisent et scintillent au sol. 

 

 

Le serveur vient apporter le diabolo kiwi banane.

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Aude Marguier

 

 

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