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Mémoires émoussées

 

 

On a voulu se souvenir.

Place de La Bonne Bière, le 5 novembre 2016.

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Il fait sombre... Je me sens étouffé... pire pressé, oppressé, compressé dans ce monde où tout me paraît étrange, si familier et pourtant si différent. Mon corps aussi semble s'être métamorphosé. Les courbes habituelles de ma silhouette se sont dissipées. La fluidité de mes gestes s'est évaporée. Des personnes s'attardent devant moi, me regardent et s'en vont. Je suis parvenu à entendre le mot “Frederick”. Je ne comprends pas le sens de toute cette mascarade. Que diable peut bien vouloir dire ce mot étrange ? Un homme presse le pas, un bout de papier dégageant une fumée blanche épaisse, à la commissure des lèvres. Que tente-t-il de faire avec cela ? Est-il en train de s'empoisonner, de m'empoisonner, de tous nous empoisonner ? Je tente de me protéger mais je suis incapable de faire le moindre mouvement et je demeure impassible. Des alarmes retentissent comme un bruit sourd et plusieurs boîtes en métal roulent dans des sens opposés. Elles s'arrêtent de temps à autre, lorsque la couleur du réverbère rougeoie. Un vent brusque fait trembler les feuilles mortes qui gisent sur le sol. Mais moi, pourtant, je ne ressens rien comme si j'étais de marbre. Plusieurs passants poussent des éclats de rire : la seule chose qui ne me paraît pas factice, ni montée de toutes pièces. Tantôt je distingue des lumières flamboyantes d'une espèce de lampadaire drôlement construit. Et là tous s'arrêtent. Halte, je suppose que c'est ce que ça signifie. Mes yeux sont comme grands ouverts devant ce spectacle intrigant et captivant. Je tente de me focaliser sur ce qui m'entoure. Des odeurs étranges me montent à la tête. Des senteurs inconnues affolent mes narines. J'entends tout ce qui se déroule autour de moi, j'entends des bruits de pas, des cris stridents provenant de ces gros engins sur la route, des sonneries retentissant d'une coquille entre les mains des passants, les passants eux-mêmes se livrant à des discussions vives. Je n'avais pas encore remarqué à quel point cet endroit était animé. Tous mes sens sont en alerte. Au loin, deux tavernes se font face. Dans chacune d'elles, des petits comités sont réunis et j'entends leur discussion, et j'entends leur voix en harmonie et j'entends leur rire à l'unisson. Et là, non, des paroles viennent me percer l'oreille. Des mots résonnent en discordance “Attentat-Mort-Sombre”. Mes pupilles s'agitent, un frisson me traverse le corps, cette fois je peux le sentir. Un flash rayonne dans mon esprit comme un éclair. Et là, je comprends, tout devient limpide. Le masque a fini par tomber. Ce lieu aujourd'hui animé se garde de révéler les traces, les souvenirs de ces heures sombres. Il est indéniable que tout a été refait à la manière d'une couche de peinture que l'on étale sur un mur pour dissimuler une tâche. Tout comme une solution de lavande pourrait camoufler l'odeur désagréable de cette accumulation d'effluves. Je ne sais pas, je ne sais plus, que penser, que voir, que croire ? Je me sens comme tiraillé entre plusieurs sensations. Je ne comprends rien de tout ceci. D'ailleurs, tout me semble artificiel. C'est comme s'il y avait un voile qui se dresse entre cette réalité et moi. D'ailleurs je ne connais pas cet endroit. Pourtant, il semble me transmettre toutes ses souffrances. C'en est trop, c'est assez, que cela cesse ! Et c'est alors qu'un vélo à deux roues se fait bousculer à terre par une de ses boîtes métalliques au bruit insupportable. Il s'abat sur le sol. Les roues continuent de tourner encore et encore, je les observe, elles m'hypnotisent et là j'entends mon monde me rappeler. Je vire, dévire, chavire. Je ferme les yeux et je suis renvoyé dans ma réalité.

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Marie Guezelot

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