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ATELIER D'ECRITURE

Portraits d'Anciens élèves

du lycée Chaptal de Paris

 

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LUCILE

par

Célia Vocale

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La scène se passe à Paris, 12e arrondissement. Cachou, un chaton d’un peu plus de 2 mois, blanc avec des taches brunes, fait ses griffes sur la moquette du couloir. Un autre chat, Plume, sort d’un appartement voisin. Il a l’air énervé et se précipite vers Cachou.

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PLUME – Eh ! qu’est-ce que tu fais ici ?

CACHOU – Je fais mes griffes, ça ne se voit pas ?

PLUME – Justement, c’est bien ça le problème. C’est moi qui fais ça normalement. Tu es sur mon territoire.

Plume fait mine de s’attaquer à Cachou qui s’échappe avec l’agilité d’un chaton en pleine forme.

CACHOU – Je suis chez moi ici, j’ai emménagé il y a trois semaines, juste là. (Elle montre une porte au fond du couloir.)

PLUME – Ah oui… je vois… J’ai cru entendre qu’une personne s’était récemment installée là mais mon maître n’a pas encore eu l’occasion de faire sa connaissance. En attendant j’étais là avant toi, alors si tu veux faire tes griffes, attaque les rideaux.

CACHOU – C’est déjà ce que je fais, mais c’est important de changer de support, il faut se préparer à tout ! (Elle prend un air fier). Et puis c’est normal que vous n’ayez pas encore rencontré ma maîtresse, elle travaille beaucoup. Elle est dans la communication, la création de contenu, et quand elle a du temps libre, elle aide une association qui donne des vêtements aux personnes dans le besoin. C’est la meilleure maîtresse du monde !

PLUME, feignant d’être impressionné – Dis donc, quelle femme ! Mon maître aussi travaille beaucoup, mais je suis un vieux chat, je m’occupe bien mieux tout seul. Tandis que toi… ce doit être dur pour une petite chatte comme toi d’avoir une maîtresse aussi active.

CACHOU, baisse les yeux, l’air un peu embêté – C’est-à-dire qu’elle a une vie très remplie, elle sort souvent, fait des soirées même en petit comité. (Son visage s’irradie soudain). Mais depuis que je suis là je vole la vedette ! Tu verrais comme elle est gênée de devoir me disputer quand j’essaie de voler un bout de son moelleux au chocolat ! (A part) En même temps il a l’air si bon.

PLUME – Je vois, je vois…

CACHOU – Tu n’as pas l’air très convaincu…

PLUME – Et de quoi devrais-je être convaincu ? Elle ne respecte pas les règles sanitaires, elle travaille comme une acharnée, elle fait des moelleux au chocolat. C’est si banal un moelleux au chocolat ! Elle a sûrement encore plein de cartons chez elle, des quantités effarantes de paperasses sur son bureau, et tout dans un désordre qui ferait de la concurrence à la chambre de mon maître.

CACHOU – C’est vrai que les post-it derrière la porte d’entrée ça fait un peu désordre… Mais une amie est venue il n’y a pas longtemps et apparemment elle a dit que c’était très « girly ». Je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais en tout cas il n’y a rien qui dépasse ! La déco est très sympa, il y a de très beaux tableaux aux murs, son lit est toujours impeccable et son bureau très bien rangé. Bon la cuisine est un peu en bazar après un moelleux au chocolat, mais pour sa défense elle n’a pas eu le temps de nettoyer… (Elle bombe le torse, prend un air fier) Et puis elle fait très attention à elle. Tu la verrais partir au travail, comme elle est belle dans son tailleur ! Et ses chaussures ! Une quantité de chaussures comme on peut en rêver ! Elle est très intelligente aussi : elle a une bibliothèque.

PLUME – Bon, j’avoue que je m’étais trompé, en réalité elle est plutôt du type très superficiel.

CACHOU, vexée – Je ne te permets pas ! Elle aime la mode, ça n’a rien à voir. Et elle est très douce, et très généreuse, et très dévouée, et très…

PLUME – Très sans personnalité, oui. Bon, je vais y aller, elle n’a pas l’air d’avoir beaucoup d’intérêt.

CACHOU, qui commence à s’énerver – Tu ne vas nulle part ! Tu ne la connais pas, tu ne sais pas ce qu’elle a fait dans sa vie, tu ne sais pas comme elle est gentille, joyeuse. Même quand elle raconte sa vie elle déborde de bienveillance, et elle sait tirer des leçons de ses expériences, bonnes ou mauvaises.

PLUME, soudainement intéressé – Ah oui ? quel genre d’expérience ?

CACHOU – Dis-toi qu’elle est partie de chez elle à dix-huit ans. Elle a quitté ses parents, ses amis, la danse et sa ville pour faire une prépa à Paris. Tu sais comme c’est exigeant une prépa ? Moi non mais ça m’a l’air quand même pas facile du tout. Mais elle, elle l’a fait, et avec beaucoup de motivation ! En plus, elle avait un copain quand elle est arrivée, mais il l’a quittée, et ça a été très difficile, mais elle est forte et elle a réussi à dépasser tout ça ! Lucile, tu sais, elle est bien entourée et les gens l’apprécient beaucoup. Alors quand elle a commencé à être un peu triste pour son copain, quelqu’un l’a vu et l’a encouragée pour qu’elle continue à avancer. Ensuite, elle est allée en Australie pour s’occuper d’enfants. Leurs parents n’étaient jamais là donc c’est elle qui a tout fait, et ça lui a permis de savoir maintenant qu’elle aimerait bien avoir des enfants plus tard. Je ne comprends pas trop pourquoi, parce que moi je suis déjà là, elle n’a pas besoin de plus de compagnie. Elle va bien finir par s’en rendre compte, parce que quand même, je suis un chaton adorable…

PLUME – Ne te disperse pas, continue à me raconter la vie de ta maîtresse… Lucile, donc, c’est ça ?

CACHOU – Oui ! Lucile ! Joli prénom n’est-ce pas ? Presque aussi joli que chez elle. Il y a un tapis tout doux sous la table basse et le canapé est d’une couleur très épurée. Mais il y a de la couleur quand même ! les coussins du canapé sont roses, celui de la chaise en osier est jaune. Il y a même du lierre accroché à l’armoire ! Je dois avouer que c’est très tentant, mais je n’ai pas le droit d’y toucher.  C’est très rigolo d’essayer de l’attraper. D’ailleurs ça me fait penser que je n’ai toujours pas déterminé si c’était du vrai ou du faux…

PLUME, soupire – Tu t’éparpilles encore…

CACHOU – Oui, oui, pardon ! Alors, prépa, Australie… travail ! Elle a travaillé pour l’école des Arts et Métiers. ILLE-ET-VILAINE marque une pause pour observer le regard de Plume, qui n’a pas l’air très impressionné). C’est une très grande école ! Elle devait s’occuper de faire la communication, mais ça ne s’est pas très bien passé. Les gens avaient beaucoup de préjugés sur elle, on ne la prenait pas au sérieux, et puis en tant que femme c’était plus difficile aussi. Il y a eu beaucoup de désillusions pour elle à ce moment-là, elle n’y était pas vraiment très heureuse…

PLUME – C’est de la pure naïveté ça ! Même si c’est normal à son âge, elle aurait dû être plus réaliste.

CACHOU – Eh ! Elle a fait comme elle a pu ! Maintenant elle connaît beaucoup mieux le monde du travail, elle a trouvé des endroits qui lui plaisaient plus, et voilà où elle en est aujourd’hui !

PLUME – Oui, je vois… ça doit demander du courage de faire tout ce qu’elle a fait.

CACHOU – Oh oui ! Certains se seraient découragés bien vite, mais elle a toujours continué à avancer ! Et puis c’est une personne très attentionnée et très fidèle, elle a des amis sur qui elle peut compter tout autant qu’ils peuvent compter sur elle.

PLUME – Bien… dans ce cas je vais peut-être convaincre mon maître de lui rendre visite, en allant m’installer sur votre balcon par exemple.

Plume commence à faire demi-tour pour rentrer chez lui quand une voix venant du fond de la scène se fait entendre.

LA VOIX – Cachou ? Où est-ce que tu es encore passé, gogolito ?! Viens ici !

Plume se retourne. Une porte s’ouvre. On voit sortir une femme toute fine et de taille moyenne, avec des chevaux bruns ondulés et courts. C’est Lucile, la maîtresse de Cachou. Elle porte un pull rayé en plusieurs nuances de bleu, un pantalon et des chaussures à talons noirs. Elle a des bijoux en or: bracelets, bagues (des petits anneaux, un sur l’index et un autre sur l’annulaire). Elle a des mains fines et des ongles soignés. Ses manches sont légèrement relevées. Elle porte aussi de l’argent, un sautoir avec des perles de différents tons de bleus et des boucles d’oreilles rondes. Elle a des yeux marrons, des sourcils parfaitement taillés. Son regard est à la fois délicat, doux, rieur, elle semble regarder le monde avec une générosité étonnante.

LUCILE, aperçoit Plume – Oh, bonjour toi ! Tu es bien beau dis-donc, tu habites ici ?

Plume la regarde avec admiration. Lucile se penche vers lui et lui caresse la tête, puis le dos. Plume se laisse aller à quelques ronronnements, et se colle à sa jambe.

Cachou, jalouse, s’approche.

CACHOU – Elle est occupée, elle reçoit du monde et elle n’a pas de temps pour toi.

PLUME – Elle n’a pas l’air si pressée…

LUCILE,  riant doucement – Je vois que vous avez fait connaissance vous-deux ! (S’adressant à Plume). Nous n’avons pas eu l’occasion de faire les présentations, il me semble, mais je serais ravie de rencontrer ton maître. En attendant, il y a des gens qui m’attendent en bas.

CACHOU, l’air triomphant – Je te l’avais dit, elle est occupée. Elle a un travail très important à faire.

PLUME – Ah oui ? Quel travail ?

CACHOU – Je crois que même elle ne sait pas vraiment en quoi ça consiste. Une amie lui a demandé de participer et elle a dit oui sans trop réfléchir.

PLUME – Bien, dans ce cas je vais vous laisser. En espérant vous recroiser bientôt, peut-être avec mon maître.

Plume se dirige vers le côté de la scène où se trouve la porte de son appartement en se retournant de temps à autre vers Lucile. Cachou rentre chez elle d’un pas fier. Lucile se recoiffe rapidement en passant une main dans ses cheveux et monte dans l’ascenseur de l’autre côté de la scène.

 

RIDEAU

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