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Isabelle

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ATELIER D'ECRITURE

2025

Ecrire avec...

Omar Youssef Souleimane

et 

Andreea Golan

couverture L'Arabe qui sourit avec bandeau Quai d'Orsay.png

 

 

p. 21    Dès mon arrivée en France, je me suis adapté à cette nouvelle atmosphère : la météo beaucoup plus froide que celle du Levant, la saveur différente de la nourriture, la langue de Paul Éluard, cette langue qui me faisait tant rêver. Elle était pour moi celle de la douceur, de l’espérance et de la liberté. Comme un souffle venu d’ailleurs, elle portait en elle l’écho d’un monde possible.
La France d’Aragon et d’Albert Camus m’apparaissait, à travers leurs mots, comme une terre d’idées, de luttes, de lumière. Tous ces auteurs, si chers à mon cœur, habitaient déjà mes rêves d’enfant, là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée.

            Il est une phrase d’Éluard qui revient souvent frapper mon esprit, comme une caresse familière : « Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous. » Et si ce pays, la France, avait été l’un de ces rendez-vous ? Un nom écrit pour moi depuis toujours, silencieusement inscrit dans mon histoire. Mon destin était peut-être de quitter mon pays pour apprendre ce que signifie être pleinement maître de ses actes, de ses paroles, de ses pensées sans craindre le regard ou les préjugés de ceux qui nous entourent. Ce rendez-vous, cette rencontre, qui a changé ma vie, fut en quelque sorte provoqué par ma soif de liberté. Mais il m’est difficile de croire qu’un autre pays que celui-là m’aurait accueilli avec la même force, la même promesse.

            On me demande souvent : pourquoi la France ?
La réponse tient en quelques mots : je voulais vivre libre, être protégé, pouvoir parler sans trembler.
Je me souviens du jour où, devant l’ambassade, il me fallut faire un choix. Et au fond de moi, je ressentais un appel ; celui d’une littérature qui pense et qui combat, d’un pays qui, malgré ses contradictions, s’est fait patrie pour ceux que le silence menace.

            La France allait devenir mon pays d’accueil. Ce pays des droits de l’homme, ce pays de la Résistance, ce pays qui, depuis toujours, a su tendre la main à ceux que l’histoire rejetait. Elle m’offrait une chose que je n’avais jamais connue : la sécurité. Une paix intérieure qui contrastait avec les bruits de guerre et de peur que j’avais laissés derrière moi, dans une terre où la violence régnait désormais.

            Pour m’intégrer, j’ai dû laisser derrière moi une part de ce que j’étais. Mais je ne regrette rien. Je suis français, et pourtant mon cœur bat aussi ailleurs. J’accepte cette identité multiple, cette tension féconde entre deux mondes. Je rêve en français, dans la langue d’Éluard, d’Aragon, de Camus ; mais je pleure en arabe, pour mon peuple qui endure encore, pour mon pays d’enfance, celui des souvenirs et des silences ; le calme des vagues, le chant des oiseaux, la clarté du soleil sur les murs blanchis. Une autre question m’est souvent posée, en tant qu’immigré français : serais-je prêt à mourir pour la France ? Et je réponds toujours que je suis prêt, avant tout, à vivre pour elle ! Elle fait partie de moi, je fais partie d’elle, c’est mon présent, mon avenir.

J’ai adopté ce pays qui m’a adopté.

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