
Isabelle
Mimouni

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ATELIER D'ECRITURE
2025
Ecrire avec...
Omar Youssef Souleimane
et
Gianni Fioravanti
p. 22 Naji me disait toujours que j’étais comme une grenouille, je peux vivre dans l’eau et sur la terre.
Parfois, il doublait cette remarque d’une histoire que je pourrais, à quelques détails près, rendre ici. À chaque fois qu’on se retrouvait et qu’il me la contait, je me sentais un peu plus proche de moi-même, et de lui.
LA FLEUR ET LA GRENOUILLE
En un vallon aux mille facettes,
Point de passage et terre natale,
Une fleur était là,
Loin des pentes, loin des sentiers,
Et pourtant vivace, élancée, modeste.
Les vents diffusaient dans l’air sa fragrance,
Elle dont le bleu rare en attirait plus d’un.
Une grenouille s’était liée d’amitié avec elle,
Sensible à ces deux qualités que l’on pense si éloignées,
La jeunesse et la sagesse.
Soutenue par un corps robuste,
La grenouille avait le cœur au voyage. Elle disait à son amie
« Partons ! Ce vallon n’accueille plus la vie,
Et nous trouverons bien des trésors au-delà !
Suis moi, je puis aller ici et là,
Je te transporterai et tu t’installeras ! »
La grenouille comptait sur ses propres capacités,
Mais la fleur lui fit comprendre
Qu’elle ne saurait survivre transplantée.
Elle disait à la nomade qu’elle ne pouvait quitter sa terre,
qu’elle lui était chère, et qu’elle la chérissait.
Les deux amies s’accordèrent : la grenouille goba,
Sans l’avaler, un pétale de la fleur,
Pour entretenir son souvenir.
Aussi voyageraient-elles unies.
L’aventurière quitta donc le vallon, en elle son amie,
Entreprit un long vagabondage,
Et bondissait ardemment, tout un an.
Un jour, l’intense essence du pétale s’essouffla,
Et elle se mit à voir comme une traînée de parfum dans l’air,
Qui la reliait à son amie par la vie. Elle décida de la retrouver.
Les premières routes aisément empruntées,
l’amphibienne poursuivait à la nage.
Elle traversait les mers, elle affrontait les vents,
Elle parcourait les terres, franchissait les volcans,
Accompagnée par le péril sur des chemins clandestins.
Ayant rejoint le vallon, la grenouille trouva son amie l’anémone ,
Éclose, épanouie dans le bel âge de la fleur,
Elle était arrivée à maturité dans la douleur,
Flétrie, violentée, déchirée, épuisée,
Opprimée par les tempêtes criminelles.
La grenouille ne comprit pas cette ruine
« Comment as-tu rencontré ton désespoir ? Contre qui as-tu résisté ? »
Demanda-t-elle, car bien qu’elle eût trouvé son chemin,
Elle fut pour ainsi dire égarée.
La grenouille cependant comprit vite
Que la ruine comporte en son sein
Les vestiges d’une sagesse sacrifiée.
Elle entendit les murmures de son amie,
Paroles spectrales transmises
Par un parfum vivant, inaltéré.
La fleur immobile avait porté ses fruits dans le cauchemar,
Et c’est en voyageant que la grenouille avait récolté les siens.
Elle tourna le dos à l’anémone, avala le pétale conservé
Pour ne jamais oublier son appartenance à ce lieu,
Et portée par les vents, décida d’avancer.
Nous savons maintenant que partir et grandir
Sont liés par le fil du souvenir.
Où qu’elle aille, elle se rappellera ses racines,
Car le saut de la grenouille est toujours un retour à la terre.
Il y avait quelque chose de prophétique dans cette fable. Même par téléphone, il en récitait des fragments.
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Au début, je l’appelais une fois par semaine. Puis une fois toutes les deux semaines…
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