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Les jouets métaphysiques : le Tricotin



C’était un humble bonhomme de bois peint, dérisoirement couronné de trois agrafes en laiton. Il était tout d’une pièce, sans bras ni jambes, espèce d’homme tronc creux. Passé au tour, percé à coeur comme une bobine. Les brins de laine tressés par la pauvre magie d’un tricot sans aiguilles ressortaient entre les jambes en un cordon volontiers interminable. Il était conçu pour délivrer ad libidum son ouvrage de couleur flasque et c’eût été pécher que d'en couper le lacet. On laissait donc couler le flot jusqu’à épuisement de la pelote. C’était le premier pas vers l’interrogation métaphysique : pourquoi ce fil informe et infini que les Parques vouaient à une interruption de hasard ?

Puis venait la question du sens. Certains le faisaient tourner en rond à des fins douteuses de napperon. Les esthètes lui trouvaient des fonctions à sa mesure : galon courant le long d’un col de veste et s’achevant dans les spirales inattendues d’une broderie de soutache. Les pragmatiques lui assignaient l'usage d'un mètre ruban dont les propriétés élastiques ouvraient la voie d’une réflexion inachevée sur la relativité. C’était en fin de compte — et cela n’avait pas échappé à l’Inspection générale d’EMT — un objet qui donnait matière à penser.


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